
Lorsque nous avons créé notre entreprise de médias spécialisés dans le golf, No Laying Up, en 2014, je rêvais de jouer un jour sur le Old Course. La victoire improbable de John Daly en 1995 est l’un de mes premiers souvenirs de golf, et les victoires de Tiger Woods en 2000 et 2005 ont consolidé cette aura. Lors de ma première visite en 2018, mes attentes ont été trompées. En quelque sorte, c’était bien mieux que ce dont j’avais rêvé. Le parcours lui-même se trouve au centre de la ville, au sens propre comme au sens figuré. Lors du premier coup de départ, la plus large allée du golf se présentait à nos yeux. Chacune des 112 fosses de sable a sa propre personnalité et ses propres particularités, et les clochers de l’ancienne ville servent de points de repère au fur et à mesure que l’on avance sur le parcours. Ils ressemblent à une tache à l’horizon lorsqu’on atteint une extrémité du parcours, puis ils deviennent progressivement plus grands sur les sept derniers trous. Sur les quelque 40 000 terrains de golf que compte le monde, aucun n’est aussi unique en son genre que le Old Course.
Et il y a autre chose que la plupart des golfeurs ne connaissent pas. Jusqu’à la fin des années 1800, le tracé du parcours de golf suivait principalement le sens des aiguilles d’une montre. Cela a changé lorsque le vieux Tom Morris, intendant de terrain local, monteur-ajusteur de bâtons, fabricant de balles, architecte de terrain et sans doute la figure la plus importante de l’histoire du golf, a décidé de séparer le 1er vert du 17e. C’est ainsi qu’est né le tracé actuel des 18 trous et le parcours dans le sens inverse des aiguilles d’une montre que nous connaissons aujourd’hui. Mais même dans les années 1970, le tracé original qui suivait le sens des aiguilles d’une montre a été joué de manière sporadique, principalement pendant la basse saison, afin de varier l’usure du gazon. Depuis lors, cette pratique se fait de plus en plus rare, et il s’écoule parfois plusieurs années avant que le tracé inverse ne soit utilisé.
Au cours de l’omnium de 2022 à St. Andrews, Tiger Woods a été interrogé sur le fait de jouer sur le Old Course dans le sens des aiguilles d’une montre, c’est-à-dire à l’envers, à quoi il a répondu : « J’ai toujours voulu le jouer à l’envers, une fois avant de mourir. Je pense que ce serait vraiment génial parce que je pourrais comprendre pourquoi certaines fosses de sable se trouvent à l’endroit où elles sont. Et si vous le jouez à l’envers, vous pouvez le comprendre. C’est très évident. C’est tout à fait possible. Cette journée serait très amusante pour moi. »
UNE PARTIE DE GOLF INOUBLIABLE
C’est ainsi que le 1er avril 2024, nous nous sommes retrouvés sur le tertre de départ du 1er trou en tant qu’invités du St. Andrews Links Trust, les intendants des terrains de golf de St. Andrews, en face de la plus large allée du golf et en fixant une cible inconnue, le redoutable vert du 17e trou. Et la météo n’aurait pas pu être pire. En tant que groupe, nous avons joué dans des conditions vraiment horribles dans différentes parties du monde. Des rivières atmosphériques en Californie aux vents de la force d’un ouragan en Irlande, nous avons fait face à toute la gamme d’intempéries possible. Mais cette fois-ci, c’était une combinaison vraiment spéciale de tous les éléments. Les vents de la mer du Nord sont demeurés stables entre 64 et 72 km/h, apportant des nappes d’humidité et des températures avoisinant les 4 degrés Celsius. Même les Écossais, dont la réputation d'hommes vigoureux n'est plus à faire, ont déclaré qu’ils ne seraient pas sortis par ce temps à moins d'une occasion spéciale. Mais c’était le cas. Juste avant l’heure de départ, j’ai donc attrapé deux bouteilles de brandy de petit format au stand d'alimentation de la hutte de départ. Je les ai versées dans une tasse fumante de Bovril, une boisson salée à base de bouillon de bœuf populaire au Royaume-Uni, pour me réchauffer le corps et me détendre.
Au début, tout semblait décalé, et l’on s’est retrouvé sur ce parcours à l’envers. En sens inverse, le premier trou que vous jouez va du 1er té au 17e vert mentionné plus haut. Connu sous le nom de Road Hole, ce vert est l’un des plus diaboliques de tout le sport, avec une fosse de sable vorace à l’avant gauche, et un chemin qui coupe tout le côté droit, avec un hors limite juste au-delà. Dans des circonstances normales, vous passeriez les 16 trous précédents à réfléchir au coup que vous allez frapper vers ce vert. Mais dans le parcours d’aujourd’hui, nous n’avons pas eu à nous en préoccuper. Nous avons donc frappé nos coups directement, bien avant de relâcher notre élan.
L’un de nos collègues, Soly, a réfléchi à l’idée d’atteindre le vert en un seul coup, ce à quoi nous avons répondu : « Bien sûr, tu peux franchir le ruisseau à sec avec ce vent dans le dos... mais après! Veux-tu vraiment atteindre le vert en un seul coup? La balle finira probablement sur la route en arrière du vert. »
Il a donc décidé d’utiliser un fer pour envoyer saballe à court du ruisseau à sec (avec l’âge et la sagesse, la devise « Pas de coup retenu » est plus une suggestion qu’une règle). J’ai adopté une approche similaire et cela m’a permis de jouer un cocheur sans forcer sur une distance de 75 verges vers un vert où le un trou est situé à l’avant (du point de vue inverse). À partir de là, j’ai fait quelque chose que je n’avais jamais fait auparavant lors des sept précédentes parties sur ce parcours : j’ai frappé la balle « mince » par-dessus le vert et elle a roulé sur la route juste derrière le tablier arrière. Un groupe de spectateurs est apparu, faisant une pause rapide dans leur promenade de retour vers l’hôtel qui longe l’allée du 17e trou, désireux de voir le coup roulé que j’allais exécuter depuis la chaussée. Je l’ai fait rapidement, en donnant un bon coup à la balle qui s’est arrêtée à la moitié arrière du vert. Après avoir manqué mon deuxième coup roulé, j’ai réussi le suivant et me suis précipité vers le tertre de départ du prochain trou, l’ego meurtri.
une nouvelle perspective
Au fur et à mesure que nous avancions sur le parcours, nous avons exploré des terrains familiers sous des angles et dans des directions tout à fait inhabituels. Du tertre du 18e trou au 16e vert, puis du tertre du 17e trou au 15e vert, le parcours et ce que nous pensions savoir à son sujet avaient changé. Comme l’a indiqué Tiger, certains des monticules et des fosses de sable qui n’avaient jamais eu de sens dans le sens contraire des aiguilles d’une montre ont soudain semblé brillants. Cottage, Sutherland, The Spectacles, Admiral’s et The Beardies ont tous pris une nouvelle signification. Dans l’autre sens, ces obstacles sont la version golfique des organes vestigiaux, rendus inutiles par l’évolution. Aujourd’hui, ils étaient au cœur du défi.
Le 7e trou est un par quatre dont le départ est au 13e trou jusqu’au côté d’Eden, qui accueille habituellement le 11e trou (habituellement un par trois). Ces coups ont été à la hauteur des attentes, le deuxième coup sur le 7e trou étant probablement le point culminant de notre année de golf. Lors de notre coup de départ, nous avons tous les trois manqué de distance, nos balles tombant du ciel comme des débris et atterrissant à court ou dans la fosse de sable Hill, l’un des pires endroits du parcours. Tous les trois, nous avons ri. Nous nous sommes regardés les uns les autres et avons savouré ce moment.
Alors que nous étions arrivés à l’extrémité du parcours, le vent avait inexplicablement tourné et soufflait maintenant sur notre droite, en provenance de la mer du Nord. La fosse de sable Admiral se trouvait dans la zone d’atterrissage où nous voulions frapper nos balles, à environ 225 verges du té. Après cet obstacle, il y avait beaucoup d’espace sur la droite. La question était si nous allions être en mesure de franchir les ajoncs et les broussailles, compte tenu de la force du vent. Si vous optez pour un coup retenu, il faut craindre d’aller trop loin lors du coup suivant sur l’un des verts les plus étroits et les mieux protégés du golf. Le coup de départ est un coup en montée au-dessus de la fosse de sable Hill, avec la fosse de sable Strath sur le côté droit et une dépression abrupte sur le côté gauche. Lorsque vous tentez d’atteindre le vert depuis la droite à un angle de 45 degrés, comme je l’ai fait à plusieurs reprises, ces obstacles représentent un défi plus objectif. Bien que peu profond, le vert représente une cible amplement suffisante avec ses 40 verges de largeur. Mais lorsque le trou est joué en sens inverse et avec un coup supplémentaire à exécuter (par quatre), chaque danger et chaque élément rehausse le défi. Notre esprit étant en ébullition et les conditions météorologiques du début du mois d’avril se dégradant, nous luttons pour nos vies.
Après avoir effectué The Loop, sans doute la partie la plus complexe du parcours avec les 9e et 10e trous qui s’entrecroisent comme ils le font normalement, nous avons décidé qu’un roulé au steak et une boisson à base de Bovril étaient nécessaires avant de s’attaquer aux 10e et 11e trous. Après une pause salutaire des conditions météorologiques, nous nous sommes sentis revigorés et prêts pour les nouveaux défis qui nous attendaient. Après nous être lavé les mains dans ce qui est certainement l’eau de robinet la plus chaude de la planète, nous avons joué les 10e et 11e trous (d’un point de vue passionnant sur le vert d’Eden). Puis, nous sommes repartis vers la ville, avec les bâtiments qui devenaient de plus en plus imposants au fil es coups et le temps qui continuait à se détériorer.
Le 14e trou, tout comme le 5e, a été le point culminant de la journée. Imaginez-vous le scénario : un par cinq et un vent puissant venant du côté gauche de l’allée, ainsi que les Seven Sisters qui la gardent et la fosse de sable Hell tapie au milieu. De plus, il faut atteindre la partie arrière du vert double partagé par les trous 4 et 14 sur le tracé normal. Cette situation ajoute 50 verges au trou et rend encore plus dangereux « Ginger Beer ». Le 14e trou habituel suit le même couloir, mais avec le tertre de départ du tracé inverse situé beaucoup plus à droite. De plus, avec la moitié droite courte du vert en jeu, celui-ci avait l’air beaucoup plus fluide.
CHOISISSEZ VOTRE PROPRE AVENTURE
Outre les 12e et 15e trous (qui ne semblaient pas naturels), nous avons été surpris de constater à quel point le tracé était cohérent dans l’ensemble. Nous nous attendions à avoir l’impression de jouer un parcours à reculons, mais presque tous les trous semblaient aussi fluides (sinon plus) dans cette direction. Un véritable hommage à la conception originale et aux verts formidables. Même dans le sens normal, le Old Course ne semble jamais contraignant et s’apparente davantage au fait de « choisir sa propre aventure » où vous pouvez évaluer une variété de chemins et d’obstacles, puis passer la partie à rechercher les meilleurs angles pour l’emplacement des trous de la journée.
Nous savions que la fin du parcours nous réservait tout un spectacle. Après avoir fait face en début de partie au tertre du 1er trou qui nous menait au 17e vert, nous nous trouvions maintenant sur le tertre du 18e et regardions vers la ville. Bien que la vue soit semblable à ce que nous avions vu lors des parties précédentes, le trou paraissait différent depuis ce tertre niché sur la gauche. De plus, l’angle donnait l’impression que l’allée la plus large du monde était étroite.
Le défi mental que représentait chaque trou a permis de vivre un sentiment d’accomplissement (trempé) et de fatigue à la sortie de ce 18e vert. Au Dunvegan, une institution locale située à deux pas d’où nous étions, nous avons revécu la journée dans ses moindres détails autour d’une chopine bien méritée et d’un bol de soupe. À côté de nous se trouvait un groupe d’étudiants de l’université de St. Andrews qui avaient commencé à jouer un peu avant nous. En comparant nos notes, il était incroyable de constater que chacun d’entre nous avait joué pratiquement chaque trou d’une manière radicalement différente. J’espère qu’un jour Tiger aura l’occasion de jouer le Old Course à l’envers. Je suis convaincu que l’expérience sera aussi mémorable pour lui que chacune de ses victoires à l’omnium de St. Andrews.
Todd « TC » Schuster est le cofondateur de l’entreprise médiatique spécialisée dans le golf, No Laying Up, qui était à l’origine un moyen de rester en contact avec deux copains d’université. Au cours de la décennie qui a suivi, ils ont quitté leur travail pour devenir les animateurs du balado de golf le plus populaire, ainsi qu’une source d’inspiration pour les golfeurs du monde entier en matière de réalisation de films et de voyages. Todd vit à Jacksonville Beach, en Floride, avec sa femme, ses deux fils et son berger australien.